Je pourrais presque dire que je suis un enfant de l’Association Burkinabè pour le Bien-Être Familial (ABBEF). Très jeune, après une histoire qui m’a touché de près, je me suis rapproché d’eux pour apprendre, puis devenir dès 2010 pair-éducateur en planification familiale. À l’université de Koudougou, c’est même comme cela qu’on m’appelait : « Tiens, voilà Mister ABBEF ».

En 2014, l’International Planned Parenthood Federation (IPPF, région Afrique) a sélectionné un projet de sensibilisation que je leur avais présenté. Je voulais cibler le milieu rural : c’est là que se trouvent les jeunes les plus vulnérables, à cause de la pauvreté et d’une scolarisation plus faible. Peu d’entre eux connaissent les façons d’éviter les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles. L’idée était donc d’organiser une caravane, le five-five-tour, qui desservirait cinq localités, entre Koudougou et Léo.

« Les jeunes étaient heureux de pouvoir parler de tout ça et d’être enfin considérés »

Avant de démarrer, il y a eu une double préparation. Primo, mener un plaidoyer : nous sommes allés voir les maires ainsi que les chefs religieux et coutumiers pour obtenir leur autorisation avant d’aborder ces sujets sensibles en public. Sans compter que des chefs convaincus du bien-fondé de la planification familiale pourraient ensuite influencer les hommes de la communauté. Deuxio, trouver des relais : dans les cinq communes, nous avons donc formé des pairs-éducateurs identifiés grâce aux majors des centre de santé et aux médecins-chefs de district. La caravane pouvait désormais prendre la route !

Arrivés dans une localité, nous installions le matériel. Avec la musique, on faisait du tapage et les gens venaient. L’activité commençait avec une pièce de théâtre, suivie par une séance de sensibilisation et un débat avec le public. On orientait aussi les gens vers le centre ou la clinique pour obtenir des contraceptifs. Gratuitement bien entendu. L’approvisionnement était prévu pour six mois après notre passage grâce à un partenariat avec l’ABBEF. À la nuit tombée, nous projetions un film intitulé « L’épidémie de l’ombre » avant d’ouvrir un autre débat. Les jeunes étaient heureux de pouvoir parler de tout ça et d’être enfin considérés, comme les gens des villes. Une évaluation a permis  de mesurer l’impact de l’intervention sur la demande de contraceptifs : les chiffres montent une hausse de 30%.

« Une nuit torride contre une moto 135 neuve : que ferais tu si tu étais à la place de Lucie ? »

Parallèlement à la caravane physique, nous en avions une virtuelle sur Facebook qui a touché 10.000 jeunes. Cette première expérience m’a donné l’idée de me spécialiser sur les médias sociaux comme outil de promotion. Concrètement, il fallait aller au-delà des posts habituels pour mener de véritables activités en ligne. Sur la page Facebook des jeunes ambassadeurs de la planification familiale, j’ai donc créé plusieurs rubriques dont deux qui marchent plutôt bien. La première s’appelle « Parole à la méthode contraceptive ». C’est le produit lui-même qui s’adresse aux jeunes ; par exemple, dans notre denier post : « Hello les potesses. Vous vous rappelez de moi ? Votre sauveur le Femidom. Je viens vous expliquer aujourd’hui mon mode d’utilisation. Alors les filles comment m’utiliser ? C’est simple ! » L’explication suit et juste après on donne la possibilité d’échanger sur Whatsapp ou par téléphone, pour préserver la confidentialité. Bientôt, nous posterons aussi des vidéos par petits morceaux de 15 à 30 secondes pour montrer comment on utilise la contraception : c’est moins lourd à charger et ça fait du teasing en même temps.

Deuxième rubrique : les Stories. On monte une histoire de toute pièce, comme on l’a fait pour la Saint Valentin : « Lucie est une jeune fille de 16 ans. Ses 4 amies ont toutes eu une moto après le BEPC. Elle n’a pas eu cette chance. Mais depuis 4 semaines, elle est courtisée par Alfred un vieux père choco de 45 ans, toujours bien sapé et roulant en Range Rover. Il promet à Lucie que si elle accepte une nuit torride avec lui pour la St Valentin, alors elle aura une moto 135 neuve + 50.000 francs pour son carburant. Lucie est super tentée par cette offre. Que ferais tu si tu étais à sa place ??? ». Le débat est annoncé plusieurs jours avant et, le jour J, j’administre la page : pendant une heure, on met les points de vue en confrontation jusqu’à dégager une position commune. Comme cela, chacun peut s’exprimer et, en même temps, on avance ensemble plus de conscience et la responsabilité.