La venue d’un enfant devrait être un évènement heureux, pas un souci et encore moins un cauchemar. Pourtant, trop d’adolescentes voient leur vie brisée par une grossesse précoce. Elles portent souvent seules le poids de l’injustice sociale. Quant aux femmes mariées, elles ont sûrement autant voire davantage d’enfants acceptés que désirés.

En consultation prénatale, on peut le voir tout de suite : d’un côté il y a les futures mamans enthousiastes, de l’autre celles qui sont anxieuses : « Vous savez docteur, mon dernier n’a qu’un an et je suis encore fatiguée » ou « La dernière fois, j’ai eu une césarienne alors les gens disent que cette fois-ci, je risque de mourir ». Il faut savoir écouter, trouver les mots qui réconfortent.

« La médecine n’est pas qu’une affaire technique : la dimension humaine est très importante, surtout en obstétrique »

Voilà pourquoi le counselling est la clé de la planification familiale. Il faut savoir écouter, conseiller et accompagner, sans chercher à influencer. C’est ce qu’on appelle le consentement éclairé du patient. Cela signifie que le soignant ne doit pas choisir à la place d’une femme, mais la guider pour qu’elle trouve la méthode qui lui convient le mieux. Il y a beaucoup de rumeurs sur la contraception et elles font un tort considérable à la planification familiale. D’où viennent-elles ? Le plus souvent, elles émanent de femmes pour qui le produit contraceptif n’est pas adapté et a généré des effets secondaires ou bien de celles qui ne l’ont pas utilisé correctement et se sont retrouvées enceintes.

La plupart de ces situations proviennent d’un manque d’écoute ou d’explication de la part du médecin prescripteur. J’ai été responsable d’une maternité et je répétais aux équipes que lorsqu’on n’a pas envie de parler, soit on prend sur soi, soit on ne vient pas à la consultation. La médecine n’est pas qu’une affaire technique : la dimension humaine est très importante, surtout en obstétrique. Les questions gynécologiques sont des sujets très intimes, encore plus quand il s’agit de sexualité ou d’avoir un enfant. La patiente a besoin d’une oreille attentive. Cela demande du temps pour créer une relation et se faire comprendre. Alors oui, dans la salle d’attente, on s’impatiente à cause du retard. Mais une fois assises devant moi, celles qui se plaignaient s’éternisent à leur tour, bien contentes que je prenne aussi du temps avec elles. Il faut également répondre présent après et laisser la porte ouverte en cas de doute ou de problème.

« En tant que médecin, je rapporte des faits objectifs et c’est aux personnes de faire leur choix »

Une fois, j’ai reçu un couple qui consultait pour un problème d’infertilité. À l’examen, l’épouse présentait un utérus rétroversé. Dans ce cas, nous conseillons de recourir à des positions moins habituelles lors de l’acte sexuel. Je prends alors bien soin que les deux soient là pour leur expliquer ; sinon, en venant seule, la jeune femme aurait pu être accusée par son mari d’avoir d’autres partenaires sexuels pour lui raconter de telles histoires. Donc j’explique, je fais un dessin, mais le monsieur me dit que c’est contraire à la religion. Je ne cherche pas à le contredire : je suggère juste que c’est le créateur qui a ainsi fait l’utérus de sa femme. Et puis je précise que le rapport sexuel se fait en privé, loin des regards : cela ne concerne qu’eux et leur projet d’enfant, pas le qu’en-dira-t-on.

En tant que médecin, je rapporte des faits objectifs, je livre des arguments scientifiques : c’est aux personnes de faire leur propre choix entre conscience et croyance. Et j’essaie le plus possible de m’adresser au couple, pas seulement à l’épouse : cela permet de s’assurer du même niveau d’information et surtout d’impliquer les maris. Des fois, quand je reçois un couple, je les programme en fin de consultation : comme ça, le mari peut sortir faire ses courses au lieu  d’attendre… et il a moins peur d’être reconnu ou de se retrouver tout seul parmi les femmes ! La planification familiale, c’est aussi savoir inventer ce genre d’astuces.