Au départ, la raison pour laquelle je me suis intéressé aux questions de santé sexuelle et reproductive est un peu brutale. En effet, j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible dès mon premier rapport sexuel. Et là où je me suis fait soigner, il y avait des jeunes qui donnaient de l’information en tant que pairs-éducateurs. Ils m’ont écouté et j’ai appris un certain nombre de choses. Un peu plus tard, un professeur de mon collège m’a orienté vers l’Association béninoise pour la promotion de la planification familiale qui recherchait des volontaires. C’est là que l’aventure a vraiment commencé.

« La planification familiale est maintenant une priorité de la politique nationale de la jeunesse »

Depuis, 2007, je préside le Réseau des associations béninoises de jeunes engagés dans la lutte contre le sida et pour le développement. Ce réseau agit comme une faîtière qui coordonne les interventions de ses membres, facilite la synergie d’action entre eux et conduit -ou bien appuie- le travail de plaidoyer auprès des décideurs. D’abord engagé dans la lutte contre le VIH-sida, le réseau a étendu son champ d’action au développement et donc aux questions de santé sexuelle et reproductive. Nous avons ainsi fédéré la parole des jeunes lors de l’élaboration du document national multi-acteurs sur la santé et la reproduction des adolescent-e-s et jeunes.

Ces dernières années, nous avons plaidé pour que la planification familiale soit une priorité inscrite dans la politique nationale de la jeunesse. Nous avons également renforcé les compétences en plaidoyer des jeunes ambassadeurs pour la santé de la reproduction et la planification familiale : cela leur a ensuite permis de s’impliquer dans l’étude technique sur la gratuité de l’accès aux méthodes modernes de contraception. Sur le terrain, les membres du réseau mènent des actions de sensibilisation dans les écoles et les universités. Et depuis un an, nous travaillons auprès des jeunes marginalisés sur les marchés, dans les bidonvilles, etc. Selon une approche classique de santé communautaire, nous identifions d’abord des leaders, qu’on appelle aussi des porte-voix ; puis nous les formons pour qu’ils relaient ensuite l’information à leurs pairs.

« Il faut sortir des grandes villes et aller dans des espaces inexplorés, vers les plus vulnérables »

Pour la société civile, l’action communautaire constitue l’un des enjeux majeurs de la planification familiale. Avec l’arrivée de programmes et de financements, internationaux ou nationaux, beaucoup d’organisations de la société civile se sont hissées au niveau de décision avec les institutions. C’est une bonne chose pour le plaidoyer. Mais il faut prendre garde à ne pas perdre pied sur le terrain, ni à déconnecter les élites associatives de la réalité que vivent les jeunes. Cela nécessite aussi de revoir notre langage, souvent calqué sur celui des institutions : avec ce langage très codé, voire « techno », comment pouvons-nous être compris des jeunes les plus marginalisés ou bien en milieu rural ? Car nous devons sortir des grandes villes et aller dans des espaces inexplorés, vers les populations les plus vulnérables. C’est l’impact sur le terrain qui compte, pas notre visibilité institutionnelle !

Il nous faut également changer le paradigme de nos interventions : c’est fini le temps où l’on dresse un podium et où les organisateurs parlent 90% du temps pour prêcher la bonne parole. Il faut apprendre à nous taire et à se laisser du temps pour comprendre comment les jeunes voient les choses, entendre ce qu’ils vivent, ce qu’ils attendent. Il nous faut apprendre à leur laisser la parole pour qu’ils s’expriment avec leurs mots et pas les nôtres. Il faut nous adapter à eux et pas l’inverse. Sans cela, nous sèmerons des paroles qui ne pousseront jamais : il n’y aura pas d’appropriation de nos messages.