Au collège, je ne savais pas grand-chose sur la planification familiale. D’abord parce que le sexe est un sujet qu’on n’aborde pas en famille. Alors, ce que je savais à l’époque, je le tenais des discussions entre copines, à l’école ou dans le quartier. Et bien souvent, ces informations n’étaient pas très fiables. C’était plus des croyances, des choses qu’on se racontait entre nous ou bien des rumeurs.

Pourtant, il y a des personnes-ressources qui sont là pour nous renseigner, que ce soit les tatas dans les collèges (les infirmières), les centres d’information, les maternités… Mais nous ne faisions pas toujours l’effort d’y aller. C’est dommage car cela aurait évité à certaines d’entre nous des grossesses précoces non désirées. Notamment pour celles qui ne se protégeaient pas du tout ou bien celles qui croyaient que la pilule se prend juste après le rapport sexuel.

« D’un côté un plaisir qui dure quelques minutes et de l’autre, une vie entière gâchée »

Pour aborder avec les jeunes les questions de sexualité, de reproduction ou de droits des femmes, le Scoutisme béninois a créé le « Jeu sans tabou ». Moi, je suis la modératrice du jeu dans un collège de Porto Novo, deux fois par semaine, le mercredi soir et le samedi. Le jeu dure deux heures environ. C’est comme un jeu de l’oie avec des cases de plusieurs couleurs qui correspondent à des questions sur différents sujets. Sur la planification familiale, il y a des questions sur « savoir dire oui, savoir dire non » (au rapport sexuel), sur les moyens d’éviter les grossesses ou sur le port du préservatif.

Quand on sort le phallus en bois pour faire une démonstration, tout le monde se met à rire pour cacher sa gêne. On met fin au chahut en expliquant qu’ils doivent bien comprendre comment faire. Un joueur déroule le préservatif et on corrige le geste si besoin. Puis on répond aux questions : « Pourquoi est-ce que le préservatif est « huilé » ? Est-ce que c’est vrai que le lubrifiant donne le cancer ? Est-ce qu’il vaut mieux utiliser la pilule ou le préservatif ? ». Il y a une remarque qui revient souvent, c’est : « Avec le préservatif, on ne sent pas qu’on est dedans ». Alors j’explique qu’ils ont un vrai choix à faire : d’un côté un plaisir qui dure quelques minutes et de l’autre, une vie entière gâchée par une grossesse précoce ou des maladies sexuellement transmissibles. Il faut qu’ils soient conscients du risque et de leur propre responsabilité. Je leur dis aussi qu’aujourd’hui, il existe des préservatifs très fins qui limitent la sensation de gêne et que cela vaut le coup d’essayer.

« Tata, j’ai bien compris qu’il fallait utiliser le préservatif, mais mon petit ami n’aime pas ça »

Ce sont surtout des garçons qui jouent. Il y a aussi quelques filles, mais souvent elles restent en observatrices. Ce n’est pas facile pour elles de s’exprimer. Elles ont peur que des garçons se moquent d’elles et disent que ce sont des filles faciles parce qu’elles parlent de sexe. Mais après le jeu, il y en a qui restent pour se confier. Un jour, une fille de 17 ans est venue me voir : « Tata, j’ai bien compris qu’il fallait utiliser le préservatif, mais mon petit ami n’aime pas ça ». Elle me raconte qu’elle est allée voir l’infirmière et s’est fait implanter un stérilet. Mais depuis, elle ressent une gêne et n’ose pas en parler. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas de honte à y retourner pour expliquer son problème. C’est ce qu’elle a fait et quand je l’ai revue, elle semblait aller mieux. Ceci dit, ce serait quand même mieux s’il y avait des cours sur la sexualité dans le cursus scolaire.

Une autre fois, c’est un garçon qui est venu me trouver. Il voulait pratiquer l’abstinence mais sa copine le menaçait de trouver un autre garçon s’il ne faisait pas l’amour avec elle. Pour ne pas décider à sa place, je lui ai demandé s’il se sentait prêt à avoir son premier rapport. Il m’a dit que non. Alors je lui ai conseillé d’en parler avec sa copine afin de savoir pourquoi elle était si pressée. Ils pouvaient réfléchir ensemble à d’autres façons de s’amuser sans aller directement au sexe. Et l’infirmière peut aussi les voir tous les deux pour faciliter la discussion. Mon rôle n’est pas de leur dire quoi faire, mais de les éclairer et de les aider à trouver leur propre chemin.