Lors de ma première année à l’université, j’ai vu un appel à volontaires pour suivre une formation. Le thème n’était pas mentionné mais, comme je suis convaincue qu’il était toujours utile d’apprendre, je me suis inscrite. À la date fixée, les formateurs de l’ONG nous ont dit qu’ils allaient nous entretenir de la santé sexuelle et reproductive des jeunes.

Au début, j’étais un peu gênée car parler des rapports sexuels me faisait plutôt honte. J’ai quand même écouté parce que je suis curieuse et que les questions de santé m’intéressent. On m’a donné des renseignements scientifiques et j’ai bien vu les risques. Cette formation m’a permis d’aller au-delà des tabous. J’ai vraiment compris que le silence était dangereux et que pour bien se protéger, mieux vaut mieux connaître que de rester dans le flou.

« Si Fati réussit ses études, elles sera plus à l’aise pour bien éduquer et soigner ses enfants »

J’ai alors décidé de m’engager pour mener des activités de sensibilisation au sein même de la cité universitaire, d’abord en tant que pair-éducatrice puis comme superviseur. Il y avait notamment un jeu qui s’appelait « voie de changement ». On réunissait des étudiants, garçons et filles, et on leur expliquait les règles. D’abord, on lisait un scénario. Par exemple : « Fati est étudiante. Elle s’est mariée mais elle ne veut pas avoir vite des enfants car cela l’obligerait à abandonner ses études. Aidez Fati à prendre les bonnes décisions ». Ces consignes constituent l’objectif comportemental. À partir de là, on avance dans le jeu de case en case. Il y a des cases « Barrières personnelle » comme « Fati pense que la contraception va la rendre stérile » ou bien des « Barrières environnementales » comme « Espacer les naissances est contraire à la religion ». Il y a aussi des cases « Facilitateurs » comme « Si Fati réussit ses études, elles sera plus à l’aise pour bien éduquer et soigner ses enfants ».

À chaque fois que l’on tombe sur une case, les animateurs invitent les étudiants à débattre, à échanger leurs arguments et à trouver un consensus. Il y a parfois des rivalités fortes, mais nous veillons au respect de chacun. Très souvent, les jeunes continuent à discuter bien après la fin du jeu. Je me souviens qu’une fois, dans la région de Maradi, une jeune fille a parlé d’une de ses camarades qui avait 13 ans, comme elle. Ses parents étaient décédés et elle vivait chez sa tante qui voulait la marier à un homme de 35 ans. Pourtant ce monsieur avait déjà deux femmes ! Nous étions tellement émues par la situation que nous en avons parlé à des représentants du ministère de la santé. Heureusement, ils ont saisi le commissaire de police qui a aussitôt entamé les démarches pour empêcher ce mariage.

« En milieu rural, on organise des causeries après avoir reçu l’autorisation du chef de village  »

C’est un gros travail pour mobiliser les jeunes. On place des annonces sur les panneaux d’affichage, on distribue des flyers et on utilise aussi Facebook. Nous organisons jusqu’à trois activités par mois. Et à chaque fois, nous orientons les étudiants vers l’infirmerie universitaire ou les centres « amis des jeunes » pour mieux répondre à leurs besoins. Là, les professionnels peuvent les conseiller, leurs délivrer les produits qui leur conviennent le mieux ou bien les prendre en charge s’il y a un problème de santé. Nous intervenons aussi dans les fadas. En milieu rural, on organise des causeries après avoir reçu l’autorisation du chef de village. On réunit des groupes de six personnes. Les jeunes filles ont généralement entre 13 et 19 ans : la plupart sont déjà mariées et ont même un ou deux enfants. Parler de planification familiale est alors une vraie nécessité.

Tout ce travail réalisé par les jeunes volontaires auprès de leurs pairs ne doit pas être interrompu. Au contraire, il faut même le renforcer. Les bailleurs doivent comprendre qu’il n’est pas possible de travailler au coup par coup. Sinon les jeunes du projet se démobilisent et les efforts se relâchent dans les populations cibles. Il faut œuvrer dans la durée à partir d’une stratégie qui vise à la fois les plus vulnérables et ceux qui peuvent montrer rapidement l’exemple.