Mon engagement, je le dois d’abord mes origines. Je suis issu d’un village où j’ai vécu la pauvreté et partagé les nombreux problèmes auxquels font face mes concitoyens. Parmi ces problèmes, il y a ceux qui touchent les femmes : j’en ai pris conscience et cela m’a amené à remettre en cause certains aspects de ma propre culture.

Après avoir soutenu ma thèse de géographie sur les questions de populations, je suis revenu au pays et j’ai pris mes fonctions à l’université. Mais je me suis rapidement aperçu que pour traduire de belles idées dans la réalité de tous les jours, il faut pouvoir agir au niveau politique. C’est pour cela que je suis devenu député et que je me suis engagé en faveur de la santé des populations, de la planification familiale et du VIH-sida.

« Il faut aller vers les populations »

Aujourd’hui, le Bénin dispose d’un arsenal de textes juridiques tout à fait correct pour protéger les droits et la santé des femmes, notamment en termes de planification familiale. Mais il faut faire vivre ces textes, il faut vulgariser ces lois pour ne pas qu’elles restent lettre morte. Les pouvoirs publics doivent les diffuser, les traduire en langue et les promouvoir auprès de toutes celles et ceux qui peuvent aider à les mettre en œuvre. Et puis, il faut aller vers les populations pour les sensibiliser et accompagner le changement des comportements. L’Etat doit mobiliser les crédits et les énergies nécessaires pour faire face aux enjeux, en s’appuyant sur les collectivités locales et des délégués auprès des populations. A la clef, il y a la santé des enfants, leur éducation et un meilleur développement économique pour plus de bien-être.

Lorsque j’étais à l’Assemblée nationale, avec le réseau des parlementaires sur les populations et le développement, nous avons travaillé à l’élaboration de ces lois mais aussi à leur diffusion. A chaque mandature, nous organisions une journée de sensibilisation des nouveaux élus pour montrer à nos collègues députés la réalité autour des mutilations génitales féminines, du VIH-sida. Certains d’entre eux niaient carrément l’existence de ces phénomènes. En lien avec des organisations de la société civile, nous avons présenté des images et des témoignages pour objectiver les faits.

Enfin, nous avons sillonné le pays et rencontré des organisations de femmes, des jeunes, des chefs traditionnels, des leaders de culte, des hommes de loi mais aussi des hommes et des femmes réunis ensemble, avec nous, pour échanger et faire évoluer les mentalités par la parole et l’écoute.

« La culture est un défi, mais c’est aussi une opportunité »

Les populations ne sont pas assez informées et on entend des choses comme : « C’est la sorcellerie qui l’a enceintée », « Le condom, c’est pour généraliser la prostitution » ou bien « Avec la contraception, les femmes vont faire ce qu’elles veulent ! ». De plus, pour beaucoup, le but de la planification familiale serait de ne plus faire d’enfants. Mais ce n’est pas cela ! Il ne s’agit pas d’arrêter de faire des enfants mais de maîtriser les naissances : l’objectif est de faire naître le nombre exact d’enfants que le foyer peut faire vivre en toute sécurité, qu’il peut soigner correctement et qu’il peut envoyer à l’école. Il faut favoriser le dialogue dans le couple afin de construire d’un commun accord un avenir viable pour la famille.

Alors quelle stratégie adopter pour faire évoluer les comportements ? L’idée est de prendre les gens là où ils en sont, de ne pas les braquer, de comprendre leurs traditions. Par exemple, la plupart savent bien que les naissances rapprochées sont souvent néfastes. C’est d’ailleurs pour cela que des méthodes ont été inventées pour les éviter : ici des plantes, là des bijoux, là encore un talisman censé éloigner le risque de grossesse. La culture est un défi, mais c’est aussi une opportunité : il s’agit de reconnaître les pratiques existantes de  pointer leurs limites et de proposer ensuite des méthodes contraceptives plus efficaces. C’est en respectant les formes du dialogue, en s’adaptant à chaque rituel social que l’on peut faire passer les messages.