Depuis l’enfance, j’aime raconter des histoires et faire rire. Je suis donc devenu comédien, puis metteur en scène. Je dirige aussi la troupe du théâtre de l’espoir. Il y a quelques années, l’Éducation en matière de population m’a demandé de créer une pièce de théâtre radiophonique sur la planification familiale. Tout au long des 30 épisodes, j’incarne un certain Ba Bouanga. Cela veut dire « monsieur l’âne » en mooré, la langue des Mossi.

Nous avions décidé de choisir un prénom fictif pour ne vexer personne car Bouanga n’est pas très futé : comme il ne réfléchit pas beaucoup aux conséquences de ses actes, plein de coups lui tombent sur la tête. Il a surtout du tracas avec sa famille. Ba Bouanga pense que la puissance d’un homme est liée au nombre de ses enfants. Il ne veut pas de planification familiale parce qu’il est d’accord avec tout ce qui se dit comme bêtises : « Vous conseillez à nos femmes de ne plus accoucher, mais alors pourquoi on les a mariées ? », « Si ma femme prend la pilule, je ne saurai plus si elle est fidèle » ou bien encore « Dieu a mis un certain nombre d’enfants dans la femme et elle doit tous les évacuer ».

« Faire rire pour que désormais une femme ne perde pas la vie en la donnant »

Les aventures de Bouanga et de sa nombreuse famille étaient diffusées sur la radio nationale tous les matins à 7H30. Cela a si bien marché que nous avons fait 50 épisodes de plus et décidé de faire un petit film, très court, où Ba Bouanga veut faire une photo de famille. Il appelle tout le monde. On voit son épouse qui est encore enceinte et les enfants qui n’arrivent pas à tous rentrer dans la photo ou bien qui râlent : il  y en a un qui a faim, l’autre qui a ses habits sales, un troisième malade, etc. Même prendre une photo devient tout un problème ! En fait, je me moque gentiment de Ba Bouanga, au lieu de le critiquer. Sinon, cela ferait de lui une victime.

En racontant la vie de cet homme, en montrant son irresponsabilité de mari et de père, tout le monde peut voir à quoi mènent ses idées reçues et son comportement. Comme c’est moi qui le joue et que je fais rire, cela passe encore mieux. J’ai acquis une certaine popularité qui me permet d’être écouté et suivi. On me l’a souvent dit : « Ah ! Oui, je n’avais pas vu ça comme ça : merci de m’avoir ouvert les yeux ». Là, nous venons d’achever la nouvelle série, Bouanga et ses bombis, en partenariat avec le ministère de la santé et le Fonds des Nations unies pour la population. Les 50 épisodes de cinq minutes ont été tournés à Songodin, un village près de Ouagadougou. Cette série doit remuer les consciences en faisant rire pour que désormais une femme ne perde pas la vie en la donnant. Encore une fois, Ba Bouanga et ses amis vont faire rire à leurs dépens.

« Fatouma ou la machine à enfants »

A côté des séries, nous avons aussi le théâtre forum. On commence par jouer une pièce qui met à nu les problèmes d’une famille non planifiée. On arrête avant le dénouement et le joker intervient : c’est le facilitateur entre les comédiens et le public. Il interpelle les spectateurs, leur demande de commenter ce qu’ils ont vu, d’où vient le problème, ce qu’on peut trouver comme solutions. Il fait venir certaines personnes sur scène pour qu’elles donnent leur avis. Puis, il repasse la parole aux acteurs, reformule les leçons à tirer et sollicite les applaudissements.

Une des pièces s’appelle Fatouma ou la machine à enfants. Fatouma est la femme de Bouanga. Ce dernier souhaite avoir des rapports avec elle, mais elle refuse. Elle explique qu’elle n’a pas le temps parce que les enfants ont faim, qu’ils sont en train de se disputer, qu’elle doit s’occuper du petit dernier, etc.  En plus, elle lui dit que ce n’est pas le bon moment car elle est féconde. Bouanga se fâche et fait semblant de partir pour aller voir ailleurs. Fatouma prend peur. Elle compte et recompte les jours, se mélange, puis finalement lui dit que « oui, ça va aller ». Quelques semaines plus tard, Fatouma comprend qu’elle s’est trompée. La voilà de nouveau enceinte. Avec cette pièce, nous avons effectué une tournée dans tout le pays. En coulisses, des gens venaient nous voir. Même des hommes : « Docteur, aidez-nous ! Vous savez, à chaque fois… euh ! Ma femme-là elle tombe enceinte ».