Pour la petite histoire, j’appartiens à une famille de sept enfants. Lorsque ma mère nous a annoncé l’arrivée du septième, nous les enfants, nous avons décidé de bouder nos parents : nous ne voulions plus de petite sœur ou de petit frère. C’était bon, nous étions déjà assez ! En grandissant, je me suis jurée de ne pas faire autant d’enfants. Et quand j’ai commencé à chanter, je savais que d’une manière ou d’une autre j’aborderai ces questions dans mes textes.
J’ai débuté ma carrière professionnelle avec un groupe de hip-hop qui s’appelait Kaidangaskia.2. Nos chansons étaient très engagées : nous parlions de tout ce qui mine notre société et notre milieu politique comme la mal-gouvernance, les problèmes de genre, le VIH, etc. Avec d’autres musiciens-chanteurs, les Artistes unis pour le rap africain, nous avons aussi créé une sorte de comédie musicale en hip-hop. Les chansons de cet album racontaient les histoires de ce qu’on a appelé « les enfants du Poto-Poto ». Nous jouions chacun un rôle d’enfant : il y avait une fille placée en famille, une fille mariée de force, une jeune fille enceintée précocement, etc.
« Chaque femme doit pouvoir accéder à la contraception si elle le souhaite : pour son bien-être et celui de sa famille »
Quand j’ai entamé ma carrière en solo, les chansons de mon premier album parlaient beaucoup des femmes et de ce qu’elles vivent. Cela m’a permis de rencontrer des ONG et de travailler avec elles sur ces sujets, souvent en compagnie d’autres artistes. C’est ainsi qu’avec quatre autres nigériennes et une sénégalaise, nous avons produit une chanson sur l’espacement des naissances. « Finis les pleurs et les souffrances, nous allons espacer nos grossesses pour notre santé » disait le refrain de la chanson. La contraception n’est pas un devoir, c’est un droit. On ne dit pas qu’il faut utiliser la contraception mais que chaque femme doit pouvoir y accéder si elle le souhaite : pour son bien-être et celui de sa famille.
Malgré la loi, ce droit n’est pas bien accepté. Par exemple, aujourd’hui encore, quand une jeune femme demande la pilule à une pharmacienne, il n’est pas rare que cette dernière soit choquée et refuse de la lui vendre. Pourquoi ce jugement, cette incompréhension ? Même si l’on n’est pas toujours d’accord, il faut s’adapter à une jeunesse qui n’arrête pas de changer. Oui, la sexualité commence plus tôt qu’avant. Même dans les campagnes. Pourquoi refuser la réalité ? Il faut de la responsabilité des deux côtés. Les aînés peuvent essayer de convaincre les jeunes des risques qu’ils prennent, mais faut-il les empêcher de se protéger ? Et les jeunes doivent comprendre que tout cela n’est pas un jeu et que leurs choix ont des conséquences graves sur leur avenir. Pour cela, sortons du tabou et de l’ignorance !
« Il faut dire les choses telles qu’elles sont pour que les mentalités bougent »
J’ai suivi une grande partie de mes études scolaires et universitaires au Maroc où mon père travaillait. Quand je suis revenue au Niger en 2004, je me suis vite rendue compte de la différence entre les deux pays en ce qui concerne la liberté des femmes, au moins dans les grandes villes. Il suffit d’aller dans la rue. Ici, si tu sors en pantalon, tu te fais insulter. Ou bien tu conduis tranquillement ta voiture et un taximan peut se mettre au milieu de la route pour que tu ne le doubles pas… parce que cela heurterait sa virilité. Et je ne parle pas des mutilations sexuelles, des mariages précoces ou forcés, des rapports sexuels subis, des grossesses non désirées, du double travail à la maison et dans les champs, etc.
Les femmes ne sont pas considérées. On préfère qu’elles soient à la maison plutôt qu’à l’école car une femme savante créerait trop de problèmes. Donc toute la vie d’une femme est sous le contrôle des autres. Elle subit non seulement le regard et le jugement des hommes, mais aussi la mesquinerie d’autres femmes qui seront les premières à lancer des ragots et à jouer contre leur camp. Alors il faut dire les choses telles qu’elles sont pour que les mentalités bougent. Moi je les chante.