Les jeunes ont des sentiments contraires qui les rendent vulnérables. D’un côté, ils se sentent invincibles justement parce qu’ils sont jeunes. Leur jeunesse, c’est leur force : ils pensent que rien ne peut les atteindre, qu’ils sont les premiers à vivre ce qu’ils vivent. Alors ils se sentent peu concernés par les maladies sexuellement transmissibles ou par les grossesses non désirées. D’un autre côté, ils doutent d’eux-mêmes, ils n’ont pas encore pu construire une certaine confiance en eux : ils la simulent, ils font semblant, mais au fond d’eux ils attendent d’être rassurés. C’est très paradoxal et cela les rend fragile en cas de mauvaise influence.

Récemment, au Nord du Bénin, nous avons rencontré des adolescentes qui avaient tellement besoin d’attention qu’elles étaient prêtes à se laisser aller en échange d’un petit cadeau, même un fruit ou un pot de yaourt. D’autres disaient que c’est une chance quand un homme s’intéresse à vous et qu’on peut lui céder s’il vous complimente, vous dit que vous êtes jolie.

« Notre ambition : valoriser le potentiel de chaque femme »

Les messages de planification familiale doivent donc à la fois aider les jeunes filles à prendre conscience du danger et les valoriser pour qu’elles existent par elles-mêmes, pour qu’elles fassent attention à leur corps et à leur santé. C’est ce que font les clubs dynamiques féminins lancés par l’ONG Magnolia. Ces clubs réunissent des jeunes femmes et de jeunes hommes issus de différentes horizons. Ils sont toujours dirigés par une femme. Ensemble, ils réfléchissent aux façons de favoriser la participation des jeunes filles et des femmes à la vie du pays. Il s’agit d’affirmer l’importance d’être une femme en tant que telle, sans devoir se positionner par rapport aux hommes. Notre ambition est de valoriser le potentiel de chaque femme, de développer ses capacités de leadership. Ce ne sont pas des clubs féminins ni féministes, mais une cause d’intérêt général.

L’ONG a aussi déployé une campagne sur les grossesses précoces. Nous avons tourné deux documentaires sur les activités du Réseau ouest africain des jeunes femmes leaders du Bénin auprès des jeunes filles et des femmes vulnérables. Nos membres vont aussi dans les écoles, les collèges, les centres d’apprentissage. Et nous avons traduit des documents d’information-prévention en langue.

« On lui dit : “ va à l’école “ et elle tombe enceinte ! Tu imagines ce qu’on dira de moi ? »

Nous utilisons aussi une bande dessinée intitulée « La vie brisée de Samira ». Samira est la jeune fille de sa famille à avoir passé le cap des études primaires. Elle rêve de devenir professeur d’université. Mais voilà qu’elle tombe enceinte de son petit ami Mathieu qui est en terminale. Celui-ci la pousse à avorter clandestinement car il ne veut pas gâcher sa vie avec l’arrivée d’un enfant. Quand le papa de Samira apprend la nouvelle, c’est aussi le drame : « On lui dit : “ va à l’école “ et elle tombe enceinte ! Tu imagines ce qu’on dira de moi ? Je vais régler ce problème vite fait bien fait : tu ne vas pas jeter le déshonneur sur moi ». La décision est prise : Samira épousera le vieux commerçant Latif qui a déjà plusieurs femmes. Malgré tout, sous la pression de Mathieu et parce qu’elle veut un avenir, Samira va avorter. Mais rien n’y fait : son père la marie quand même de force.

Ne donnant pas d’enfant à son mari, celui-ci se met à la violenter. Et bien entendu, il ne tient pas sa promesse de financer la reprise des études de Samira. Elle décide alors de fuir, fait des petits boulots, vit la pauvreté. Puis elle rencontre un homme avec qui elle va vivre quinze ans. Mais il finit par l’abandonner à cause de la stérilité qu’a entraînée l’avortement. Des années plus tard, elle revient au village. Mathieu y a construit sa vie et il a une petite famille. Samira, elle, est seule. Mais quand elle voit que sa nièce Schékinath commencer à faire des bêtises à quinze ans à peine, elle lui raconte tout. Elle lui livre son histoire et ses rêves brisés pour que Schékinath ne fasse pas les mêmes erreurs.