Dans notre commune, les gens ont souvent des enfants très rapprochés et les hommes n’attachent pas trop d’importance aux droits des femmes. Mon niveau d’éducation et les formations que j’ai suivies m’ont permis cette prise de conscience : c’est pour cette raison qu’à mon tour, je veux aider à diffuser l’information sur la planification familiale.
A côté de mon travail dans un collège, je suis artiste-comédien et j’écris des sketches. Je les propose à des organisations de la société civile dans le cadre de leurs projets de sensibilisation. Et si ça passe, alors nous allons dans les villages et nous touchons réellement les gens.
« Comme c’est un spectacle, les gens sourient et ils se sentent à l’aise »
D’abord nous rencontrons le délégué du village pour lui proposer notre spectacle : on cherche ensemble le moment où les villageois sont le plus disponibles, le samedi ou le dimanche par exemple. Le jour venu, on nous installe sous un arbre et quand tout le monde est rassemblé, on peut commencer. L’un de nos sketches compare deux familles. Dans la première, le couple a onze enfants et le douzième est déjà dans le ventre de la maman. Lorsque le papa appelle les enfants, ils arrivent tous et c’est la pagaïe ! Le mari n’arrive pas à les nourrir, ni à payer pour l’école. A côté, l’autre famille n’a que trois enfants et les gens voient tout de suite la différence : le couple est plus tranquille, les enfants sont bien encadrés. Comme leurs parents ont le temps de les suivre, ils sont mieux éduqués. Cette histoire montre bien la direction à suivre. Et puis comme c’est un spectacle, les gens sourient et ils se sentent à l’aise.
Après la présentation d’un sketch comme celui-là, nous posons quelques questions sur la planification familiale : est-ce bon d’espacer les naissances ? Quels sont les risques si on ne le fait pas ? Quels sont les droits des femmes ? Est-ce qu’une femme a le droit de résister devant son homme quand il veut lui faire un enfant ? C’est à ce moment-là que le débat commence. Le représentant de l’association mais aussi ceux des structures de santé peuvent répondre aux questions et apporter des informations fiables. Dans le public, les femmes peuvent s’exprimer devant tout le monde alors qu’ailleurs elles n’ont souvent pas droit à la parole. A la fin, nous laissons nos contacts. Certaines femmes nous appellent pour nous dire qu’elles sont allées à l’hôpital pour se faire suivre ou bien que le papa a changé d’attitude depuis le spectacle et la causerie qui a suivi.
« Souvent, ils sont prisonniers de leurs croyances »
Parfois, on a quand même des réactions négatives. Des personnes viennent nous voir en disant qu’il ne faut pas changer la mentalité de leurs femmes dans le village, que ce n’est pas ça comme ça ici et qu’on ne va pas faire comme les blancs. La discussion s’engage. On s’aperçoit qu’ils sont souvent prisonniers de leurs croyances. Par exemple, quand une fille est enceinte, ses parents n’imaginent pas qu’elle ait déjà pu avoir des rapports sexuels : ils préfèrent croire qu’elle a été envoûtée. Autre exemple : certains pensent que les gris-gris permettent d’espacer les naissances sans avoir à changer leurs habitudes.
Notre rôle est d’apporter des explications fiables et de remettre chacun face à ses responsabilités. On montre aussi que la planification familiale existe déjà dans la culture du pays. Il y a des béninoises qui espacent leurs enfants en comptant le passage d’un certain nombre de travaux champêtres avant de recommencer avec leur mari. Dans certains villages, quand une femme est à nouveau enceinte alors que le petit n’a pas un an, on se moque de son mari en disant qu’il a « traversé son enfant ». Ces anecdotes témoignent du bon sens des populations et démontre que la planification familiale n’est pas une mode venue de l’étranger.