Qui parle santé au Niger, qui parle de qualité de la vie n’est pas loin de la planification familiale. Les chiffres sont là et ils parlent d’eux-mêmes. L’indice de fécondité s’approche de 8 enfants par femme avec un taux de 46°/°°. Aujourd’hui, environ la moitié des nigériens ont moins de 15 ans. La population totale du pays est estimée à près de 20 millions d’habitants et les experts démographiques la projettent à plus de 60 millions en 2050.

Cela ferait du Niger l’un des pays les plus peuplés du continent et même du monde. Si nous ne parvenons pas à réguler notre population, non seulement notre développement ne sera pas durable, mais de très nombreuses vies seront mises en danger, tandis que d’autres subiront une misère accrue.

« La planification familiale est un devoir pour tout homme censé : il en va de l’avenir de notre pays »

Il suffit de regarder notre territoire : la plus grande partie est désertique et l’on sait que la désertification s’accroît avec le changement climatique. Malgré les progrès techniques agraires et les efforts intéressants déployés pour récupérer les terre arides, ce n’est pas suffisant : nous n’arriverons pas à rendre le désert verdoyant dans les trente prochaines années. Sans compter les problèmes de pluie et aussi les inondations que nous avons connues. Tout cela signifie donc clairement que nous aurons à affronter un problème chronique grave en termes de sécurité alimentaire. Si nous voulons être en mesure de nourrir les populations, voire être auto-suffisants, il est indispensable d’aller vers une parenté responsable.

Regardons maintenant les choses du point de vue de la santé publique. Que se passe-t-il concrètement dans les familles quand les enfants ne sont pas planifiés ? Il y a d’abord une mortalité marterno-infantile aggravée, des risques de malnutrition et donc de maladies, des besoins en éducation et en soins qui ne peuvent plus être couverts financièrement, etc. Du point de vue économique, les charges d’investissement deviennent trop lourdes pour le pays en matière de logement, d’accès à l’eau et à l’électricité, de structures d’éducation et de santé, de gestion des déchets… Et bien entendu, l’inactivité des jeunes ne peut qu’augmenter car nous n’avons pas assez d’emploi à offrir, ce qui ouvre aussi la voie à la délinquance et à l’extrémisme. Pour toutes ces raisons, la planification familiale est un devoir chez quelqu’un de censé. Il en va de l’avenir de notre pays, de notre population et de nos enfants.

« Notre culture encourage encore le fait d’avoir beaucoup d’enfants, sans en mesurer les conséquences »

Pourtant le taux de prévalence contraceptive reste insuffisant. Seules 30% des femmes mariées sont demandeuses et les besoins non couverts sont déjà importants. Les mentalités restent fortement natalistes. En djerma, il existe un dicton que l’on peut traduire par « il faut continuer à accoucher, accoucher, accoucher jusqu’à avoir 100 enfants ». De toute évidence, notre culture encourage encore le fait d’avoir beaucoup d’enfants sans mesurer les conséquences que cela peut avoir, tant au niveau du foyer que du pays. C’est là que les chefs traditionnels ont un rôle à jouer.

Quand l’UNFPA nous a sollicité pour créer « l’école des maris », j’ai soutenu l’initiative sans hésiter. Nous avons mobilisé de nombreux jeunes hommes qui ont reçu une formation en langue, afin de bien s’approprier les enseignements. Désormais, c’est leur tour de diffuser les messages et de contribuer au développement de la planification familiale pour la communauté, que ce soit dans les écoles et dans les dispensaires. Je me souviens d’un endroit, par exemple, où les femmes se plaignant d’un manque de sanitaires dans le centre de santé, ce sont les maris qui se sont débrouillés avec les autorités pour que soient construits des toilettes et des douches. Il faut sensibiliser, encore et toujours. Et puis impliquer tous ceux qui peuvent contribuer au changement.