Comme beaucoup de sénégalaises, j’ai entendu parler de planification familiale lors des campagnes de sensibilisation. Et puis ma grand-mère était sage-femme. Il y a en a beaucoup dans mon entourage ainsi que des assistantes sociales. Mais professionnellement, je me suis impliquée quand j’ai eu à organiser des ateliers pour femmes enceintes et mamans, dans le cadre de l’agence où je travaillais. On a commencé à travailler sans argent, au sein même de nos bureaux.

Parce qu’on partait du vécu des femmes sans chercher à leur faire la morale, le bouche-à-oreille a bien fonctionné. On a reçu le soutien d’une agence de développement et les causeries se sont développées dans Dakar et sa banlieue. Certains ateliers ont réuni jusqu’à 80 femmes ! Pourtant ce n’est pas facile pour elles. Une femme m’a raconté que pour aller au centre de planification familiale près de chez elle, elle a mis au point un véritable stratagème : comme elle est commerçante, elle prend son panier avec ses produits en prétextant qu’elle part les vendre aux femmes qui fréquentent les sessions du centre. Bien entendu, elle en profite pour consulter en douce. D’autres femmes cherchent des centres éloignés ou bien ceux qui disposent d’une entrée à l’abri des regards.

« Assitan, une championne de la planification familiale »

Après cette expérience, sachant que j’écris des scénarios, un ami m’a parlé d’une série télévisée en cours de préparation intitulée « C’est la vie ». J’ai rencontré les responsables du projet dont Marguerite Abouet qui est l’auteure de la bande dessinée « Aya de Yopougon ». Au cours de la discussion, sans savoir que j’étais aussi comédienne, elle me propose de jouer un rôle dans la série. Et c’est comme ça que je suis devenue Assitan.

Dans « C’est la vie », Assitan est une jeune sage-femme qui débute sa carrière dans le Centre de santé du quartier de Ratanga. C’est une championne de la planification familiale, pleine d’enthousiasme, qui est soutenue par Yaye, la sage-femme référente du Centre. Lors du sixième épisode de la première saison, un événement tragique survient : Aminata, une jeune femme de quinze ans mariée de force, meurt des suites d’un avortement clandestin. Tout le monde est bouleversé et surtout scandalisé par les défaillances du système de santé : les médecins n’étaient pas disponibles quand c’est arrivé, il n’y avait pas les kits nécessaires pour qu’Assitan puisse agir efficacement, pas de sang non plus pour faire une transfusion. Assitan se sent coupable alors qu’elle n’y est pour rien. Elle pense tout abandonner mais décide finalement de contre-attaquer en faisant de la prévention : elle propose au médecin-chef l’ouverture de consultations de planning familial.

« Il ne faut pas vouloir s’imposer : en Afrique, tout est dans la façon »

Avec l’aide de quelques amis, elle retape une salle abandonnée et c’est parti ! Avec les affiches, les gens viennent en nombre et les réunions prennent de l’ampleur. Cela crée aussi certaines jalousies dans l’équipe du centre et des critiques dans le quartier. Il y a ceux qui sont contre par principe et ceux qui n’aiment pas la manière. En effet, il faut savoir que de nombreuses réactions négatives à la planification familiale viennent du fait que les messages tombent du haut, comme dans les campagnes de sensibilisation à la télé. Ces discours peuvent être utiles, mais ils sont trop souvent stéréotypés et normatifs : fais ceci, ne fais pas cela ! Pourquoi laisserais-je un étranger se mêler de ma vie et me dire tout de go ce que je dois faire ? Personne ne peut se mettre à ma place ou m’imposer des choses.

Dans la culture africaine, tout est dans la façon. C’est ce qu’a compris Assitan dans la série : comme elle a le goût du contact, elle agit au plus près pour convaincre. En personnalisant les messages à la culture du quartier, à la personne, à son entourage. C’est ce travail de proximité que les autorités doivent soutenir : dans les centres de santé bien sûr, mais aussi en organisant des causeries, du porte-à-porte, des émissions de radio interactives, etc.