Très tôt j’ai été au courant de pas mal de choses sur la santé sexuelle et reproductive. Ma maman était enseignante et on parlait beaucoup des problèmes de l’adolescence, des règles, etc. Il y avait aussi ma marraine qui était professeure de biologie. Et je lisais, je posais des questions. Bref, on peut dire que j’ai eu la chance d’être bien informée. Parfois, il m’arrivait même de frimer un peu devant les copines.
Quand je me suis mariée, j’avais seulement 17 ans. Comme je voulais finir mes études, je me suis tout de suite intéressée à la planification familiale afin de choisir le bon moment pour avoir mes enfants. Après le lycée, je suis allée à l’école normale supérieure pour devenir proffesseure d’anglais. En dernière année, j’ai eu l’occasion de faire du théâtre, puis une tournée qui est allée jusqu’en Europe. Alors je suis devenue comédienne, en France et au Mali. Ensuite, les circonstances ont fait que j’ai suivi une formation à l’audiovisuel et lorsque la 2ème chaîne de télévision nationale cherchait quelqu’un pour animer l’émission « Musow », j’étais prête.
« Le succès de Musow tient en partie au fait que c’est en bambara »
« Musow » cela signifie femme en bambara. C’est un programme de 30 minutes consacré aux droits et à la santé des femmes. On réalise trois émissions par semaine. J’y accueille des soignants, des conseillers conjugaux, des sociologues, des juristes, etc. Les organisations de la société civile sont très présentes pour apporter des témoignages concrets. On propose aussi des portraits de femmes, des micro-trottoirs. Le succès de Musow tient en partie au fait que l’émission est en bambara. Les spectateurs sont plus à l’aise pour comprendre et s’exprimer. Même si nous n’avons pas donné de numéro de téléphone à l’antenne, des jeunes filles et des femmes trouvent le chemin des studios pour venir me parler. Mais les questions affluent surtout par courrier ou par mail. Je les rassemble par thèmes et je choisis l’invité qui correspond le mieux pour y répondre en plateau.
Puis TM2 m’a également proposé d’animer « « Keneya », un magazine-santé quotidien de 30 minutes également. C’est un programme éducatif qui cherche à sensibiliser et à responsabiliser les téléspectateurs sur leur santé. Les invités sont toujours des médecins. Ceci dit, nous nous déplaçons régulièrement dans les centres de santé pour rencontrer d’autres professionnels comme des infirmières, des sages-femmes, des nutritionnistes et bien d’autres. Cela permet de donner de l’information sous plusieurs angles. Et il y en a besoin !
« Dans les centres, les professionnels prennent rarement le temps de bien expliquer »
Il y a tellement de fausses vérités qui circulent à propos de la planification familiale et de la sexualité en général. J’entends des choses sidérantes. « On m’a dit que lors du premier rapport, on ne peut pas tomber enceinte, ni attraper le sida ». Ou bien : « Pour planifier, je sais qu’il faut manger ce fruit-là : avec un, tu es protégée un an ; deux, c’est deux ans ». Ou encore : « Pour avorter, tu prends une plaquette de nivaquine avec du coca-cola ». Des gens croient vraiment ce genre de choses. Ils sont arrêtés sur leurs idées. « Ma sœur, vous, vous avez été à l’école des blancs, mais moi je sais ça ». Il faut aller vers eux, les mettre en confiance, parler en langue une fois, deux fois, trois fois.
Dans les centres, les professionnels prennent rarement le temps de bien expliquer à quoi sert une prescription, quels sont ses bienfaits, comment prendre le traitement. Par exemple, si l’on ne parle pas des effets secondaires, quand cela arrive, la personne peut arrêter de se protéger et propager des rumeurs infondées, comme dire qu’il y a des maladies mises exprès dans les produits pour ne plus jamais avoir d’enfants. On a tort de négliger les croyances : il faut partir de là pour construire une autre vison des choses grâce à la parole. Ce besoin de parole est réel, même si elle n’ose pas sortir. Et comme on dit en Afrique : « Quand tu ne vends pas ta maladie, tu ne trouves pas de remède ».