En voyageant, j’ai vu tant de femmes sur les routes. J’ai vu tant de regards qui en disaient long. Il fallait que j’apporte un plus avec mon travail d’artiste et j’ai décidé de soutenir une organisation de la société civile qui aide les filles des marchés. En ville, elles sont isolées parce qu’elles ont quitté leur village. Elles sont donc plus vulnérables et subissent souvent des violences. L’association les écoute et les accompagne pour se soigner ainsi que pour retrouver leurs droits. Ces jeunes filles apprennent aussi des métiers qui les sortiront du milieu qui leur a fait du mal.

Nous avons donné des concerts à l’institut français ou ailleurs. À chaque fois, certaines d’entre elles venaient sur scène pour présenter un petit spectacle de théâtre. C’est important de leur donner directement la parole. Nous allons également dans les écoles pour parler de sexualité et expliquer aux filles en quoi la planification familiale leur permet d’adapter le nombre d’enfants qu’elles auront à leurs moyens matériels et financiers. Je viens également de créer une ONG qui milite pour l’éducation des enfants et contre les violences faites aux femmes. En bref, je fais ce que je peux.

« Tata Sessimè, j’aimerais savoir comment m’en sortir car je n’ai pas de repères »

Au départ, j’avais du mal à aborder ces thèmes dans mes chansons. D’autant plus que ce sont les hommes qui financent l’industrie de la musique. Et puis, comme tous les autres milieux, le monde artistique n’est pas facile pour les femmes : celles qui chantent, sont souvent vues comme de beaux objets. Ce sont leurs qualités physiques et les vêtements qu’elles portent qui font parler : pas leur talent, ni ce qu’elles ont à dire. D’ailleurs, parmi les chanteuses, nous ne sommes pas très nombreuses à nous être engagées publiquement sur des sujets de société. Avec le succès, j’ai gagné du respect, mais il m’a quand même fallu du temps pour que je fasse une chanson sur les femmes.

Et la société réagit super bien. Les gens ont besoin d’attention, d’écoute, d’amour. En concert, dans toute une foule, c’est formidable de se dire qu’il y a au moins une personne qui sera touchée par le message d’une de mes chansons. Il y a quelques jours, une fille m’a écrit sur le net : « Tata Sessimè ! Tata Sessimè, j’aimerais savoir comment m’en sortir car je n’ai pas de repères ». Je n’ai pas su quoi répondre. Je ne sais pas encore quoi dire.

« Nous devons écouter les jeunes sans les juger, sans les culpabiliser »

Il faut faire attention quand on parle aux jeunes. A la maison ou à l’école, ils écoutent sans écouter. Parce qu’on leur parle, on leur donne des consignes, on les presse sans prêter attention à ce qu’ils vivent ni à ce qu’ils ressentent vraiment. Quand ils m’écrivent ou quand je les rencontre, je veux d’abord les écouter et savoir quels sont les problèmes qu’ils ne peuvent pas dire à leurs enseignants, à leurs parents. Nous devons écouter les jeunes sans les juger, sans les culpabiliser. Ils ont besoin de figures à qui s’identifier ou qui les réconforte. Surtout pas une idole qui les manipule ! Mais quelqu’un qu’ils respectent, quelqu’un avec qui ils se sentent reconnus, avec qui ils sont en confiance… et donc quelqu’un dont ils peuvent entendre les paroles.

Ces paroles, dans ma chanson « Femme », je les ai voulu fortes. Et elles sont en langue fons pour être entendues et comprises par le plus de gens possible.

« On ne va pas frapper la femme jusqu’à la tuer en lui cassant les os dans le corps.
On ne va pas la forcer pour coucher avec elle : la femme mérite le respect.
La femme n’est pas un arbre que l’on va découper à la machette.
Ce n’est pas une chaussure qu’on foule au pied.
Ce n’est pas un tissu qu’on doit changer avec le temps.
La femme doit susciter le respect.
Non aux violences qui sont faites aux femmes ! »*

(*texte de Sessimè)

C’est toujours le même refrain : les hommes se sentent supérieurs aux femmes et ils n’admettent pas qu’elles puissent leur dire non. La femme n’est pas écoutée en tant que personne, elle est réduite à un objet domestique et sexuel. Les coups, les viols, les adolescentes enceintes et abandonnées, les grossesses non désirées : plus jamais ça, plus jamais !