En 2001, à Abuja, les pays membres de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) se sont engagés à affecter au moins 15% de leur budget national à la santé. Quelques années plus tard, faute de résultats suffisants, l’Organisation Ouest Africaine de la santé a préconisé la mise en place de réseaux de plaidoyer dans chaque État membre de la CEDEAO en vue d’obtenir des financements additionnels.
C’est en février 2015, à l’occasion d’un atelier à Grand Bassam, que la Côte d’Ivoire s’est dotée de son Réseau des champions en Plaidoyer pour le financement adéquat de la santé. À l’époque j’étais député à l’Assemblée nationale. Mon passé de médecin et de directeur régional de la santé a probablement joué en ma faveur lorsqu’on m’a proposé d’en prendre la présidence.
« Il est impératif de faciliter la sensibilisation et l’accès des jeunes aux produits contraceptifs »
Lorsqu’il s’est agi de déterminer les priorités du Réseau, la santé sexuelle et reproductive s’est imposée car nous étions l’un des seuls pays de la sous-région à ne pas être pourvu d’une loi sur la question. Un premier essai avait été initié en 2001, mais il fut interrompu par la crise. Le Réseau a donc plaidé auprès du ministère de la Santé et de l’hygiène publique pour élaborer collectivement un avant-projet de loi. Un groupe technique a effectivement été constitué avec des représentants de tous horizons, et notamment des leaders religieux. La réflexion pour construire l’avant-projet de loi s’est aussi appuyée sur les données fournies par l’Institut national de la statistique grâce à l’outil Rapid.
En juillet 2016, nous sommes donc allés expliquer aux parlementaires les raisons et les objectifs de l’avant projet de loi sur la santé sexuelle et reproductive qui était en cours de rédaction. Devant la Commission des affaires sociales et culturelles de l’Assemblée nationale, le Réseau a souligné les grands enjeux d’une future loi. Concernant la planification familiale, il est impératif de faciliter la sensibilisation et l’accès des jeunes aux produits contraceptifs : parce qu’ils constituent plus de 70% de notre population, les jeunes sont une cible prioritaire. Nous devons d’abord préserver leur avenir personnel car une grossesse précoce non désirée constitue un obstacle fatal en termes de scolarité, d’intégration sociale et de carrière professionnelle. Par ailleurs, il en va aussi de l’avenir du pays. En effet, si la démographie progresse plus vite que l’emploi, les jeunes sont désœuvrés, découragés et livrés aux pires tentations.
« La délégation des tâches concerne tous les niveaux de prise en charge »
Un autre enjeu fort réside dans la délégation des tâches. Il ne s’agit pas seulement de confier la distribution de produits contraceptifs aux agents de santé communautaire. La délégation des tâches concerne tous les niveaux de prise en charge dans la pyramide sanitaire. D’une part, la Côte d’Ivoire accuse un déficit en ressources humaines de la santé, et d’autre part nous avons privilégié jusqu’ici l’approche curative, centralisée dans les CHU, au lieu d’une approche graduelle, décentralisée et faisant une place plus importante à la prévention. La perspective de déléguer inquiète certains, mais nous ne sommes pas tenus de passer le cap en une seule fois. En santé publique, il est même fort utile d’expérimenter les innovations via des projets-pilotes puis d’en tirer les leçons avant de les étendre s’ils ont fait leur preuve. C’est ce qu’on nomme le passage à l’échelle.
« Le projet de loi qui va venir sera soutenu par l’Assemblée nationale, a déclaré M. Soumahoro Sékouba, vice-président de la Commission des affaires sociales et culturelles de l’Assemblée nationale. Nous allons nous atteler à ce que cette loi soit votée et appliquée ». Ce mot d’ordre sera également soutenu par la société civile qui entend veiller au bien-être des populations. La planification familiale est essentielle pour bénéficier du dividende démographique. Sans dynamique sanitaire et sociale, l’émergence économique de la Côte d’Ivoire n’aurait pas de sens et serait compromise.