Au collège, en classe de 3e, j’ai vu une annonce de l’Association Béninoise pour le Marketing Social et la Communication pour la Santé. Ils recherchaient des volontaires pour leur programme Amour & Vie : ce sont des jeunes qui promeuvent la santé de la reproduction auprès d’autres jeunes béninois de 15 à 24 ans en réalisant un magazine imprimé et des émissions radiophoniques. Comme j’étais attirée par le métier de journaliste, je les ai rejoints.

J’ai d’abord été formée sur la santé sexuelle et reproductive, puis j’ai écrit des articles, des interviews et des scénarios de bande dessinée sur la planification familiale. J’ai aussi animé des émissions de radio avec des invités, des micros-trottoirs et des auditeurs qui appelaient pendant l’émission. Ce n’était pas facile la première fois, à cause du trac !

« Une de mes copines est tombée enceinte et a accouché avant le bac  »

Plus tard, j’ai travaillé comme écoutante sur la ligne verte de l’association On donnait de l’information sur la santé sexuelle et la planification familiale aux personnes qui appelaient. Et si besoin, on les orientait vers les experts de l’ONG. Ensuite, j’ai participé à une enquête dans les collèges sur ces questions. En rencontrant de nombreuses jeunes filles, je me suis rendue compte que beaucoup d’ONG proposent un suivi prénatal, mais après la naissance, il n’y a plus rien pour ces filles-mères. Une de mes copines est tombée enceinte et a accouché avant le bac. Elle a finalement réussi à obtenir son diplôme parce qu’elle s’est accrochée et qu’elle était très entourée par ses amis. Par contre, elle a dû renoncer à l’université car elle n’avait personne pour s’occuper de l’enfant.

C’est ce qui m’a conduit à créer le projet Éduc Fille Mère. J’ai jeté sur le papier toutes les actions possibles qui me passaient par la tête : recueillir des témoignages, les mettre sur un blog, rechercher des parrains pour aider les filles-mères après la naissance, les accompagner auprès de leurs familles et en soutien scolaire, ouvrir un foyer pour élèves-mères, etc. Le fil conducteur pouvait se résumer ainsi : une grossesse ne doit pas empêcher de poursuivre les études ! Un ami m’a aidé à structurer le projet et je me suis formée aux nouvelles technologies de communication. J’ai aussi confronté mes idées à la réalité de terrain en allant interroger des jeunes filles. Et puis il y a eu une rencontre capitale : Nadège.

« Mon enfant a 1 an et demi. Pour aller au cours, c’est un casse-tête de tous les jours »

« Moi c’est Nadège, j’ai 19 ans. Je suis élève en 3e année au secondaire. Mon enfant Willy a 1 an et demi. Son père est professeur. Pour aller au cours, c’est un casse-tête de tous les jours : à qui confier l’enfant pendant que je suis au cours ? Ma mère m’aide parfois mais elle a aussi ses occupations. Je ne peux pas compter sur elle tous les jours. Ceci fait que parfois je manque les cours et mes notes baissent. Je dois faire la lessive, la vaisselle, balayer la maison, laver mon enfant, le nourrir, trouver une personne pour le garder avant d’aller à l’école à 7h. Le soir à la fin des cours, je dois préparer pour la maisonnée, essayer de faire mes devoirs, passer du temps avec mon enfant, le border avant d’aller me coucher. Mes parents m’aident pour mes repas quotidiens. Pour le reste, je me débrouille pour payer ma scolarité, mes fournitures et subvenir aux besoins de mon enfant. Son père me donne 10.000 francs CFA par mois pour ses besoins ». Un monsieur a été ému par le témoignage de Nadège que j’avais posté sur le blog Éduc Fille Mère : alors il a décidé de la parrainer en donnant un chèque de 200.000 francs CFA.

Depuis deux ans, le blog a enregistré près de 5.000 visites. Les commentaires sont encourageants : je reçois des demandes de parrainage, mais aussi des suggestions pour améliorer la qualité du blog. Outre Nadège, nous avons pu parrainer Béatrice qui n’a que 19 ans et déjà deux enfants. Elle est retournée à l’école après le premier, mais n’a pas pu se rescolariser après le second. Nous allons tout faire pour qu’elle reprenne les cours bientôt. A partir de 2017, je voudrais faire parrainer cinq filles-mères par an.