Comme beaucoup de jeunes femmes, la première fois où j’ai entendu parler de planification familiale, c’était dans un centre de santé. J’avais accompagné quelqu’un et, pendant que j’attendais, il y avait une séance d’animation sur le sujet. J’ai décidé d’y assister et c’est là que j’ai appris des choses sur l’espacement des naissances et l’utilisation de la contraception. J’avais 20 ou 21 ans. Tout ce que j’ai entendu m’a fait beaucoup réfléchir. Cela a même influencé mon orientation professionnelle puisque je suis devenue infirmière.

J’ai alors été recrutée par l’Association malienne pour la protection et promotion de la famille (AMPPF) sur un projet situé en zone d’orpaillage, dans la région de Kayes. Les zones d’orpaillage sont des endroits qui attirent certaines jeunes filles et des femmes, célibataires, parfois mariées ; elles viennent y tenter leur chance auprès des hommes qui auraient gagné de l’argent à la mine. Il arrive aussi que quelques-unes cèdent à la prostitution. Dans ces lieux-là, prévenir les grossesses non désirées et les infections sexuellement transmissibles est donc une priorité de santé publique.

« Les agents disposaient d’images parlantes pour bien expliquer les différentes méthodes »

En tant qu’animatrice de l’AMPPF Vision 2000, j’ai donc mené des activités pour convaincre les adolescentes de la nécessité de se protéger. Nous assurions également l’accès aux produits contraceptifs disponibles grâce à des agents de distribution à base communautaire (ADBC) qui avaient été choisis par leurs leaders. Ces agents ont été formés aux méthodes de planification familiale et en communication pour favoriser le changement de comportement. Ces compétences leur permettaient ensuite d’animer des causeries éducatives, de procéder à des visites à domicile et de faire du counselling.

C’est principalement dans cette activité de conseil personnalisé qu’étaient distribués les contraceptifs. Nous proposions la pilule, les condoms et les spermicides. Pour les demandes de produits injectables ou des implants, nous orientions les gens vers des spécialistes, dans les centres de santé et ceux de l’AMPPF, car il s’agit d’un acte médical. Les agents disposaient d’outils avec des images parlantes pour bien expliquer les différentes méthodes contraceptives. Bien entendu, ils notaient toutes les informations pour chaque demande, ce qui nous a permis d’évaluer efficacement l’impact de l’action que nous avons menée.

« Le prétexte de la tradition cache souvent de la peur »

En 2000, je me suis installée en ville, à Kayes où je suis devenue animatrice principale pour l’AMPPF. Cette fois-ci, nous avons identifié un homme et une femme dans chaque quartier de tous les villages environnants. Nous disposions ainsi de plus de 150 relais. Mon rôle était de superviser leur travail et de les accompagner face aux difficultés qu’ils rencontraient sur le terrain. Les principales étaient la méconnaissance de la planification familiale ou bien son rejet, que ce soit pour des motifs soi-disant religieux ou au nom de croyances aveugles. En fait, le prétexte de la tradition cache souvent de la peur : peur de l’inconnu ou, pour beaucoup d’hommes, peur de perdre du pouvoir.

Heureusement, côtoyer les jeunes permet de rester optimistes. On le voit bien dans les activités que nous menons au sein des établissements scolaires, en secondaire. Les jeunes sont très ouverts au dialogue : ils ont envie de parler, sont curieux de savoir ce qui existe et surtout, ils ne veulent pas forcément revivre ce qu’ont vécu certaines de leurs familles. Ils ne sont pas contre tout changement par principe. Il n’y a qu’à observer la façon dont ils utilisent la technologie. C’est d’ailleurs pour cela que, nous aussi nous devons utiliser ces nouveaux outils dans la sensibilisation des jeunes. Nous avons donc décidé d’ouvrir un cybercafé spécifiquement pour eux.